Etienne Menu

2 sons

N° 10
Transmission

JB "Born Bad" Guillot, la revanche des perdants

D'Etienne Menu

Jean-Baptiste Guillot se fait plus souvent appeler JB "Born Bad", du nom du label indépendant qu’il a lancé voici quinze ans : Born Bad Records. Ce gaillard patibulaire en surface vibre, dès qu'on le lance sur le sujet, d’une passion dévorante pour la musique (ainsi que pour la mécanique) et il travaille d’arrache-pied pour défendre ses convictions et ses obsessions. Il cultivait son look de motard rock’n’roll bien avant que la start-up nation ne s’en empare et que les ateliers de motos customisées n’envahissent Paris. Mais JB ne se la ramène pas trop là-dessus, sans doute parce qu’il a mieux à faire que de s’énerver sur la récupération d’un état d’esprit qui est le sien depuis son adolescence. Une adolescence passée entre rock garage et garage pour deux-roues, soirées binouze dans le 78 et week-ends épiques à Londres en scooter et bateau. C’est dans sa maison-bureau de Romainville qu’il nous raconte tout ça, ainsi que ses études moyennes mais efficaces, son expérience mitigée en major, et son goût prononcé pour l’archivage, la pédagogie et les artistes ingérables. 

Lui qui approche aujourd’hui la cinquantaine a monté Born Bad voici quinze ans pour éditer les disques des groupes fantastiques qu’il voyait se produire sur des petites scènes parisiennes : Frustration, Magnetix, Cheveu, La Femme ou Yussuf Jerusalem. Depuis, il a sorti des albums de Villejuif Underground, Forever Pavot, Star Feminine Band, Marietta, Julien Gasc, Usé, J.C. Satan, ou du projet Wild Classical Music Ensemble, réalisé avec des handicapés mentaux. Soit des artistes pas forcément simples à vendre, des sortes de losers magnifiques, des inadaptés de génie, dont la rage et la liberté créative suffisent à le convaincre qu’il faut les soutenir et les faire connaître d’un maximum d’auditeurs. En parallèle du catalogue de nouveautés qu’il constitue, JB développe aussi une vaste entreprise d’exhumation et de rééditions de disques du patrimoine francophone, oubliés ou méconnus, sortis depuis les années 60 : les références vont du rock’n’roll primitif aux tentatives de house d’avant la French Touch, en passant par des pépites antillaises ou mauriciennes, ou par les disciples hexagonaux de Kraftwerk. On citera en vrac des anthologies de Pierre Vassiliu, Francis Bebey ou François de Roubaix, les deux volumes de Chébran, consacrés au funk et à la disco de France à l'heure du virage rap, Mobilisation générale, sur le jazz spirituel et militant post-68, Bingo, qui réunit des tentatives purement opportunistes de punk-rock, ou encore les quatre volumes de Wizzz, l'anthologie fondatrice de cette politique d'archivage, qui explore les recoins de notre pop psychédélique.

JB Guillot bosse principalement tout seul, mais son travail touche beaucoup de monde. Peu de gens transmettent aussi bien la passion, l'expérience, le désir de documenter les marges et les exceptions de notre histoire musicale. Pour nous, il tend l’oreille partout, cherche et recherche, fait le tri, édite et construit. Et le résultat, c’est qu’il offre aux auditeurs d’aujourd’hui et de demain une petite encyclopédie informelle, aussi belle à regarder qu’à écouter. Et pour Transmission il offre là une leçon de vie et d'attitude, et la preuve que le succès peut aller de pair avec une exigence autant éthique qu'artistique.  

Etienne Menu est journaliste musical, rédacteur en chef de la revue Audimat et du site Musique Journal

Le podcast Transmission
Brigitte Fontaine, Marsu (Bérurier Noir), Patrice Leconte, Pierre Lescure, Lio… Musiciens, écrivains, producteur ou directeur de chaîne, ils ont bousculé l'écriture, dynamité le rock, émancipé la chanson ou oxygéné la télé. Seuls ou en bande, dans une galaxie alors privée d'Internet, ils ont remué la France avec des rythmes nouveaux et des styles audacieux. Leurs trajectoires illustrent le bien-fondé de la révolte et de la quête de nouveauté. Ces pionniers de la pop culture se racontent dans Transmission, nouveau podcast mensuel coproduit par ARTE Radio et La Fab. – fonds de dotation agnès b. Archives et musiques originales enrichissent ces récits à la première personne, menés par des intervieweurs complices, mais pas trop, tels que Thomas Baumgartner, Laurence Garcia ou Étienne Menu. Un tête-à-tête d'une heure avec des parcours singuliers, défricheurs et inspirants pour réconcilier boomers et millennials.

N° 6
Transmission

Martin Meissonnier, le Megamix des musiques du monde

D'Etienne Menu

Martin Meissonnier a sorti en 2019 un incroyable album intitulé « Kinshasa 1978 », pour l'historique label bruxellois Crammed, où il proposait des remix, ou plutôt des reconstructions de musiques urbaines zaïroises. Cela faisait un moment que ce fringant touche-à-tout de 64 ans n'avait pas vu son nom apparaître sur un disque, lui qui a commencé à jouer au tout début des seventies. C'est que Meissonnier a souvent préféré rester modeste et s’illustrer en tant qu’homme de l’ombre. Mais il n’est pas non plus un requin des studios, même s’il y a passé un temps fou : il est avant tout un artiste des sons, des rencontres et des mélanges, au flair incomparable et à la curiosité insatiable.

En cabine, en coulisses ou sur scène, il a accompagné des figures aussi immenses que Don Cherry, Fela Kuti, King Sunny Adé, Amina ou Cheb Khaled. Ambassadeur en Europe des musiques africaines, du raï à l’afrobeat, il est aussi l’un des premiers Français à s’être intéressé de près aux machines, aux musiques électroniques et plus largement aux nouvelles technologies. Puis il s'est plongé dans ce qu'on appelle la musique pour l'image, composant aussi bien la bande-son de la cérémonie d'ouverture des JO d'Albertville que le générique des Guignols de l'info.

Il a aussi été, en parallèle de sa carrière musicale, journaliste et documentariste pour des médias défricheurs : Libération dans les années 70, Radio Nova dans les années 80, et ARTE avec l’émission culte « Megamix » dans les années 90 et 2000. Aujourd’hui, il est surtout DJ sous le nom de Dox Martin, et artiste sous son propre nom, même s’il continue d’offrir ses services à de jeunes talents venus d’horizons variés.

Des squats post-68 aux studios londoniens, en passant par le Paris afro, l’Eurovision ou les débuts d’Internet, le parcours de Martin Meissonnier raconte tout un pan de notre pop culture, dans ce qu’elle a de plus ouvert et aventureux, et de moins franco-français.


Etienne Menu est journaliste musical, rédacteur en chef de la revue Audimat et du site Musique Journal

Le podcast Transmission
Brigitte Fontaine, Marsu (Bérurier Noir), Patrice Leconte, Pierre Lescure, Lio… Musiciens, écrivains, producteur ou directeur de chaîne, ils ont bousculé l'écriture, dynamité le rock, émancipé la chanson ou oxygéné la télé. Seuls ou en bande, dans une galaxie alors privée d'Internet, ils ont remué la France avec des rythmes nouveaux et des styles audacieux. Leurs trajectoires illustrent le bien-fondé de la révolte et de la quête de nouveauté. Ces pionniers de la pop culture se racontent dans Transmission, nouveau podcast mensuel coproduit par ARTE Radio et La Fab. – fonds de dotation agnès b. Archives et musiques originales enrichissent ces récits à la première personne, menés par des intervieweurs complices, mais pas trop, tels que Thomas Baumgartner, Laurence Garcia ou Étienne Menu. Un tête-à-tête d'une heure avec des parcours singuliers, défricheurs et inspirants pour réconcilier boomers et millennials.

Une coproduction ARTE Radio et La Fab. – fonds de dotation agnès b.

TransmissionN° 10

JB "Born Bad" Guillot, la revanche des perdants

54 min
TransmissionN° 6

Martin Meissonnier, le Megamix des musiques du monde

49 min