BookmakersÉpisode 104

Justine Niogret (3/3)

Une création deRichard Gaitet

Viser juste

Une création

deRichard Gaitet

Enregistrement 
novembre 2024

Mise en ligne 
29 janvier 2025

Entretien, découpage
Richard Gaitet

Prise de son 
Mathilde Guermonprez

Montage
Gary Salin

Lectures
Isild Le Besco

Réalisation, mixage 
Charlie Marcelet

Musiques originales 
Samuel Hirsch

Flûte, vielle à roue, tambours 
Grégoire Terrier

Illustration 
Sylvain Cabot

« Je suis un sniper. »

Sa parole est tranchante et son regard, lucide. À la sortie en 2018 aux éditions du Seuil du « Syndrome du varan », son premier livre de littérature « générale », Justine Niogret disait : « C'est que dalle de tuer un dragon avec une épée. Ça l'est beaucoup moins d'essayer d'être heureuse. Tuer un berserker, ces guerriers fauves et surpuissants que l’on trouve dans les grands manuscrits de la mythologie nordique, ce n'est souvent que la première épreuve ; la véritable histoire commence après. Tuer une partie de soi pour avancer, c'est bien pireJe les ai tués, mes dragons. »

Dans cet inoubliable roman « post-traumatique » de 180 pages, l’autrice raconte le cauchemar quotidien d’une fille qui subit, de la part de ses parents et jusqu’à ses 17 ans, négligences et maltraitances, famine et humiliations, violences physiques, sexuelles et psychologiques. « L’angoisse et la méfiance » deviennent alors ses « états naturels » ; « J’ai fait ma guerre, et elle a été longue. » En résulte cette pierre de colère froide, semblable aux grands lézards indonésiens, à propos de laquelle l’écrivaine Chloé Delaume affirma : « Récit d’une enfance saccagée, où la puissance de l’écriture fait acte de résilience. »

Justine Niogret pense presque toujours que les mots, quand ils sont dits, sont « lourds et maladroits – comme des dindons, face aux rapaces et aux aigrettes que sont les mots écrits. Ce silence de réflexion, elle le trouve « totalement dénué d’agressivité, d’ego, de masques et de preuves à apporter » ; tout ce qu’elle reproche à l’oral.

Quand elle était petite, elle voulait être « exploratrice » mais à l’époque, elle a eu « un immense chagrin en comprenant que tout était déjà cartographié ». Dans ce troisième et dernier épisode, nous sentirons pourtant combien ses mondes semblent infinis. En parcourant les mangroves de « Bayuk », ce roman d’aventures pour ados publié en 2022 aux éditions 404, en traversant l’éprouvante banquise de « Quand on eut mangé le dernier chien », sorti en 2023 aux éditions Au Diable Vauvert et vendu à 4000 exemplaires, ou en attendant sa version de l’histoire de Calamity Jane, focalisée sur la femme oubliée derrière la légende héroïque. De jour comme de nuit, Justine vise juste.

L’autrice du mois : Justine Niogret

Née à Paris en 1979, Justine Niogret « trouve les adultes assez fragiles : il suffit d'avoir des chaussettes dépareillées pour leur faire peur ». Depuis le coup d’estoc de son roman médiéval « Chien du heaume », Grand Prix 2010 de l’Imaginaire au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo, elle enchaîne les aventures comme autant de conquêtes sur les littératures de genre : fiction postapocalyptique (« Gueule de truie »), dystopie robotique (« Cœurs de rouille »), péripéties vaudous (« Bayuk ») ou tragédie polaire (« Quand on eut mangé le dernier chien »), dans le sillage de Tolkien, Lovecraft ou Margaret Atwood. Elle vit et travaille à Quimper.

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