Épisode 13
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Sardines de campagneSardines de campagne -
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Sardines de campagneSardines de campagne
« N’écrivez pas pour vous exprimer : écrivez pour vous taire »
Bookmakers #15 - L’écrivain du mois : Bayon
Né Bruno Taravant en Côte d'Ivoire en 1951, Bayon signe de 1978 à 2015 dans le journal "Libération" des milliers d’articles très écrits sur ses idoles, The Cure, Joy Division, Suicide, Bashung ou Christophe... Chef anticonformiste et généreux des pages musiques du quotidien, alors en plein âge d’or, l’homme sans prénom offre à Libé son record absolu des ventes en 1991 (800 000 ex.) grâce à une interview "post-mortem" de Serge Gainsbourg, qui deviendra le livre "Gainsbourg raconte sa mort" (Grasset, 2001).
Adoré ou détesté, ce moine-soldat de la critique, dont la minutie confine à l’entomologie, est aussi l’auteur méconnu d’une œuvre autobiographique intense, sans succès durable et pourtant inoubliable. À lire, outre les ouvrages mentionnés dans ces trois épisodes ("Mezzanine", "Les Animals"), le sidérant "Haut fonctionnaire" (Grasset, 1993), un « mémoire hanté » sur son père diplomate.
En partenariat avec Babelio.
(3/3) Variations sur Mezzanine
Parmi les obsessions de Bayon, il y a cette quête : celle de « l’élément noble ». « Un ordre immanent » qui force l’écrivain.e à se mettre au boulot. « Quelque chose qui sauve, coûte que coûte. Une raison supérieure. » C’est-à-dire : un détail, une situation, qui échappe à la compréhension, aux conventions, un sujet peu ou jamais traité, dangereux, difficile, bizarre ou franchement scabreux. Examinons de près la noblesse de deux livres emblématiques de Lord B.
Nous ouvrons d’abord l’enclos des « Animals », son « autobiographie à quatre pattes » qui lui rapporta le prix Interallié et se vendit à 18 000 exemplaires (Grasset, 1990). Ce deuxième roman retrace et transcende toutes les rencontres de l’auteur avec une bête. Mouette malheureuse dont un enfant brise les ailes avant qu’un autre n’essaye de les rafistoler ; baleine « puante » sur une plage du golfe de Guinée ; chien sale adoré par tous les habitants d’une ville du Togo, qui attrape la rage et soulève une vague virale de panique internationale. Un zoo osé, croqué en chapitres brefs, parfois réduits au strict paragraphe, à trois lignes « visqueuses ».
On grimpe ensuite au septième ciel de « Mezzanine » (Grasset, 2009), roman de formation amoureuse et sexuelle déconseillé aux moins de 15 ans, chichement vendu à 1000 exemplaires. C’est sa version de Barbe bleue, verrouillée dans un studio-cloaque de Pigalle où le jeune Bayon vécut pendant sept ans des aventures restituées avec crudité, mais sans céder à la fanfaronnade : le plaisir n’y est jamais consommé, fabuleusement ralenti par une langue « asphyxiante, qui complique l’approche. Tout le plaisir consiste à s’en priver. Le libertinage, c’est aussi ça : des dispositifs complexes, un fétichisme de cérémonial. »
Au cours de cette cérémonie sonore, vous entendrez des conseils précieux, comme celui-ci : « Écris à l’eau froide, au pain, au fromage, au raisin, au régime monacal, bonze. Tu n’es pas là, en fait, pour trop rigoler. »
Bookmakers